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Attaque du Château de Brimont
Septembre 1914


En septembre 1914, les troupes françaises et allemandes se talonnent dans le secteur du massif de Saint-Thierry, c'est encore la guerre de mouvements, et l'on ne parle pas encore véritablement de tranchée ni de guerre de positions.
 

En ce qui concerne le 36e RI, il reçoit l'ordre de se porter vers le château de Brimont et de l'occuper, afin d'établir une position stratégique pour contrer les Allemands qui se situent dans le secteur, ce qui favoriserait la prise du village de Brimont mais surtout de son fort qui est, à ce moment-là, déjà aux mains des Allemands.
 

Voici donc un extrait du Journal de marches et opérations du 36e RI durant cette période, mais également un texte qui s'apparente à un rapport concernant la prise et la défense du château de Brimont dans lequel beaucoup de détails sont décrits.

13 Septembre 1914

La 10e brigade est en avant garde, le 129e en tète, elle arrive sans incident jusqu'à saint thierry -courcy où le 129e s'installe.
Saint-Thierry est canonné violemment par l'ennemi ainsi que toute la plaine entre Courcy et Saint-Thierry.
Le 36e prenant le chemin creux Saint-Thierry – Thil s'y rassemble et débouche en formation diluée (ligne d'escouade par un à grands intervalles) dans la direction de Courcy.
Il fait un premier bond jusqu'à la route national Laon-Reims, le 1er bataillon en 1er ligne, le 2e et le 3e bataillon en deuxième ligne à 500m du 1er bataillon et dans la même formation que ce dernier.
Le colonel reçoit l'ordre du général de division de stopper pendant un temps.
La grosse artillerie ennemie canonne le Moulin et la crête qui va du Moulin à la route nationale.
Elle ne fait pas grand mal au régiment qui ne reçoit que quelques shrapnells. Le régiment reçoit alors l'ordre du général de brigade arrivé à Courcy de gagner avec le 1er bataillon la lisière Ouest de Courcy.
Peu de temps après, le colonel commandant le régiment reçoit l'ordre de faire passer un bataillon sur la rive Est du canal par le pont du champs de courses et d'aider à l'attaque du 129e par cette rive sur la verrerie et le château de Brimont .
Impossible à un bataillon de deuxième ligne de faire une marche de plusieurs kilométrés sous le feu de l'artillerie lourde et de gagner le pont dans une plaine découverte.
Le 1er bataillon est désigné bien qu'il ait une marche de plaine à faire sous le feu de cette artillerie.
Le bataillon est pris au moment où il passe la crête par un feu violent de l'artillerie de campagne ennemie ; les intervalles sont tels qu'il n'y a peu de dommage.
Le 1er bataillon arrive au canal.
A peine y est t'il, qu'ordre est donné aux deux autres de se rapproché de Courcy .
Ils arrivent, quand à leur tour, ils doivent franchir le canal au même point.
L'ennemi a eu le temps d'amener des mitrailleuses à une certaine distance.
L'infanterie ennemie appuie le feu de son artillerie.
Le mouvement ne peut se faire que par infiltration pour le 2e bataillon qui ne termine son mouvement qu'à la nuit.
Le 3e bataillon fait son mouvement de nuit sans danger.
Pendant ce temps, le 1er bataillon avait essayé de progresser par la rive Est du canal.
Il est arrêté à la lisière Sud du bois Soulains.
Le 2e bataillon gagne la corne Ouest de ce même bois et s'y installe.
Le 3e bataillon est aux cavaliers de Courcy gardant le pont du champs de course.
Le poste de commandement du général de brigade est au village de Courcy.

 

14 Septembre 1914

L'attaque du Château de Brimont est décidée.
L'artillerie lourde doit préparer cette attaque.
Le 129e et un bataillon du 36e doivent y participer.
Immédiatement après la préparation de l'artillerie le 2e bataillon commence son mouvement, il arrive à 500m environ du château, mais assailli de front par des feux violent d'infanterie, de flanc par l'artillerie et les mitrailleuses ennemies, il ne peut progresser.
Le 129e n'a pu déboucher de la Verrerie.
La journée se passe ainsi sous le feu des shrapnells et des gros obus de l'artillerie allemande qui ne cessent d'arriver sans le bois Soulains.
Le 1er bataillon est dans le bois Soulains depuis le matin, il y est entré sans difficulté.

 

Compte rendu de la prise du Chateau de Brimont

du 14 Septembre 1914

 

« Le 14 Septembre 1914 au soir, le 2e bataillon a atteint la lisière des bois Soulains.
Les hommes prennent quelque repos en attendant la distribution de vivres annoncée, mais le Commandant Navel, sur l'ordre d'occuper le Chateau de Brimont immédiatement, met le bataillon en marche sans attendre le retour des corvées envoyées aux vivres.
Le 5e compagnie s'avance à droite parallèlement à la route conduisant au château, le 7e compagnie à gauche de cette route : les deux autres compagnies suivent.
Les deux compagnies de tete contournent de chaque coté l'enclos formé par le château, son parc et la ferme.
La 7e compagnie pénètre dans le château par une brèche faite dans la grille par le bombardement, la 5e compagnie par une porte la ferme trouvée ouverte.
Je me rencontre avec le Capitaine THIL, commandant la 5e compagnie, au centre de l'enclos. Il fait une nuit profonde, impossible de rien voir : on entend seulement, tout près, l'ennemi qui abat des arbres.

Des petits postes sont placées en avant des bâtiments et je dispose le reste de ma compagnie dans le parc, derrière le château.
Pendant ce temps les deux compagnies de queue ont pénétré dans le parc en se frayant une brèche dans la clôture.
Le jour va paraître, les patrouilles partent explorer les abords de la position, mais reviennent bientôt ayant rencontré les allemands qui se retranchent à la lisière du bois qui domine le château.
Dès qu'il fait assez clair, le commandant NAVEL examine les abords de la position, nous sommes dans un creux dominé par le bois de Brimont dont nous sommes séparés par un glacis de 150 à 200m de large dénudé et à pente assez raide.
Sur la face de droite une mouvement de terrain distant d'à peu près 200m nous masque la vue ; à gauche des champs de betteraves nous séparent de la Verrerie que l'on aperçoit à environ 1km et que nous croyons savoir occupée par le 129e RI.
Face à l'ennemi, le château, des communs et des bâtiments de ferme, offrent une ligne continue de murs ; il en est de même sur une grande partie de la face de droite composée de bâtiments de ferme et du mur du parc.
Les deux autres faces sont limitées par l'entourage en grilles et grillages du parc ; pour le moment elles n'auront besoin que d’être surveillées.
Une aile du château est en ruines, quelques bâtiments de la ferme sont endommagé ; le bombardement a en outre tué une quantité de bestiaux qui commencent à se décomposer.
Dès qu'il fait grand jour, les allemands ouvrent de la lisière du bois de Brimont, un feu de mitrailleuses et de mousqueterie assez violent.
Le Lieutenant Dubois et plusieurs hommes sont tués, d'autres blessés.
Le commandant NAVEL donne l'ordre d'occuper les bâtiments et répartit son monde ainsi que suit :

 

-1 FERME : sous le commandement du Capitaine THIL avec la5e compagnie

-2 CHATEAU : sous le commandement du Capitaine MEUNIER avec la 7e compagnie

-3 PARC : sous le commandement du Capitaine PONCET des NOUAILLES avec la 8e compagnie
-4 RESEVE : ce qui reste de la 6e compagnie qui n'a plus d'officiers est tenu par le commandant à sa disposition et placée entre la ferme et le château.

 

L’effectif ne doit pas dépasser 650 hommes y compris la section du génie qui nous a rejoints.
Le Château est rapidement organisé ; au premier étage un couloir longe toute la façade regardant l'ennemi.
Les fenêtres sont barricadées et les hommes répartis aux créneaux, meilleurs tireurs sont installés dans les combles et des postes d'observation y sont placés.
La ferme est organisée de la même façon, quant au parc, le génie y creuse une tranchée qui prolonge le mur de la face de droite.
Le champ de tir est très restreint en profondeur mais nos hommes, bien abrités, vont pendant trois jours faire de l'excellente besogne.
L'ennemi tiraille faiblement occupé surtout à ses travaux de retranchement mais un va et vient incessant d'allemands donnera à nos tireurs l'occasion d'en abattre un grand nombre.
A fin de ménager les munitions, chaque créneau se voit attribuer un secteur de terrain et ordre est donné de ne tirer qu'à coup sur.
La fusillade ne cessera pourtant pas et les documents et récits publiés par les allemands insistent sur les fortes pertes subies par eux à cet endroit.

Toutes ces mesures prises, le commandant NAVEL se préoccupe de l'alimentation des hommes qui n'ont pas mangé depuis deux jours ; le génie essaie de réparer le moteur du puits, mais y renonce et installe un manège ; nous avons de l'eau pour le moment.
On achète des moutons au fermier qui essaie de faire du pain.
Tout va bien mais dans l’après midi, la décomposition du bétail tué par le bombardement et encombrant la cour de la ferme devient gênant ; le génie quoiqu'extenuer essaie d'enterrer quelques cadavres, mais il y'en a trop.
La nuit arrive et toutes les mesures de sécurité sont prises très rigoureusement en raison de la proximité immédiate de l'ennemi ; nos hommes quoique très fatigués montrent une grande vigilance.
Le commandant NAVEL envoie une corvée chercher des vivres, mais les hommes reviennent n'ayant pu trouver leur chemin ; un nouveau détachement sous les ordres du sous lieutenant MUNIER réussit à rapporter du pain et quelques vivres.
Vers la fin de la nuit arrive un bataillon du 129e avec médecin-auxilliaire.
Celui-ci s'occupe immédiatement des blessés et installe une ambulance dans une vaste cave très profonde ; ce médecin auxiliaire fera preuve jusqu'à la fin d'une activité et d'une dévouement au dessus de tout éloge.
Le chef de Bataillon DUCHEMIN du 129e prend le commandement le 16 au matin.

Ma compagnie est relevée des créneaux et occupe le rez de chaussée du château ; j'organise la défense face en arrière.
Pendant toute la journée la fusillade continuera ; l'artillerie allemande nous envoie des obus qui ne peuvent atteindre que la tour où se trouve le réservoir d'eau ou décapiter les grandes arbres ; pourtant elle réussit à démolir le mur d'un des bâtiments faisant face à droite, ouvrant une large brèche.
Notre artillerie lourde bat la lisière du bois de Brimont avec une grande précision jetant le trouble parmi les ravitailleurs allemands que nos tireurs continuent à abattre dès qu'ils se montrent.
Deux de nos obus de 75, tirés trop court, tombent sur la ferme, l'un ne fait pas de mal, mais l'autre nous blesse trois hommes et tue cinq vaches.
Le mouvement de terrain qui sur la droite masque notre vue à environ 200m est fort gênant, aussi le commandant décide t'il d'envoyer reconnaître ce qui se passe derrière. Une demi section sous les ordres du sergent CHAMPETIER de RIBES rampe jusqu’à une meule de paille qui se trouve à la crête et y rencontre une vingtaine d'allemands au repos.
Ceux ci sont tués par nos hommes mais le mouvement a été vu par l'ennemi qui ouvre un violent feu qui tue ou blesse la plupart des nôtres ; le chef de détachement mortellement blessé peu encore revenir avec quelques hommes.
Il n'y a donc pas à songer à occuper cette crête qui est prise d'enfilade par les mitrailleuses allemandes.
A la tombée de la nuit, nous entendons très distinctement le violent combat qui se livre dans les bois Soulains en arrière et à droite de nous.
Nous ne pouvons rien voir et il est impossible de se faire une opinion sur le résultat car peu de temps après la charge nous entendons le clairon allemand qui sonne la retraite.
Pendant longtemps nous verrons des lanternes aller et venir et nous supposons que ce sont des brancardiers allemands qui ramassent leurs blessés.
Dans la nuit arrive le médecin auxiliaire FRENTOUT avec un infirmier et une prévision de paquets de pansements, il se met de suite au travail, le nombre des blessés étant déjà important et le médecin du 129e ne pouvant plus suffire.
Pendant la matinée du 17, la fusillade augmente d'intensité, les allemands se montrant en plus grand nombre.
Un obus tombe dans le puits qui est démoli, nous n'avons plus d'eau.
Vers midi l'ennemi dirige un feu de mitrailleuses très violent sur les toits du château et de la ferme, nous avons de nombreux blessés mais chaque fois que les allemands font mine de vouloir avancer, notre feu les arrêtes.

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